Programme culture littéraire et artistique :
Créer, recréer le monde : récits des origines (récit, fiction)
Chanter et enchanter le monde : mots et merveilles (poésie)
Se masquer, jouer, déjouer : ruses en action (théâtre)
Partir à l’aventure ! (récit, fiction)
Rencontrer des monstres : expérience de l’autre, expérience de soi (récit, fiction)
Lectures :
Le Petit Poucet de Perrault
Le Petit Poucet de Laurent Gutmann
La Rivière à l'envers de Jean-Claude Mourlevat
Lettres d'amour de 0 à 10 de Susie Morgenstern
Momo, petit prince des bleuets de Yaël Hassan
Ulysse online
Quelques fables De la Fontaine :
Lecture suivie les Métamorphoses d'Ovide, 8 ap. J.-C
Comment les paysans de Lycie1 devinrent des grenouilles.
La déesse Latone a été aimée de Jupiter. De son union avec lui, elle a conçu des jumeaux : Apollon, dieu musicien et dieu du soleil, et Diane, déesse vierge de la lune. Voici une petite aventure dont Latone, avec ses enfants, est l’héroïne.
On dit qu’à peine ayant accouchée, la déesse a dû fuir encore devant Junon2 , en portant ses enfants dans les bras, deux dieux. La voilà au pays de Chimère3 , en Lycie. Le soleil accablait de son ardeur les champs : la déesse, épuisée de ses longues courses, fut prise d’une soif violente sous ce soleil de plomb. Et ses enfants gloutons4 avaient bu tout son lait. D’aventure, elle vit un étang peu profond au creux de la vallée. Des paysans y coupaient l’osieraux mille tiges, des joncs et l’algue des marais. La fille du Titan s’approche et se metà genoux pour puiser de l’eau fraîche et la boire. La troupe de paysans l’en empêche. A leur interdiction, la déesse répond : “Pourquoi m’écartez-vous de l’eau ? Elle est à tous. La nature ne fait de personne le propriétaire du soleil ni de l’air ni de l’eau qui court. Je viens pendre ma part d’un bien commun. Je vous supplie, pourtant, de m’en donner. Je n’allais pas m’y laver mais soulager ma soif. Ma bouche se dessèche quand je parle et la gorge me brûle, ma voix passe à peine. Une gorgée, ce serait un délice : je reconnaîtrai que vous me rendez la vie en me l’offrant. Laissez-vous émouvoir par ces enfants, dans mes bras, qui tendent leurs menottes5 vers vous ». Et ils tendaient leurs petites mains vers les paysans. La colère a arrêté sa soif : la fille de Céus 6 ne supplie plusces gens indignes7 . Elle ne supporte pas de tenir plus longtemps un langage humiliant pour une déesse. Elle tend les mains vers les astres et dit : “Vivez dans ce marais, et pour l’éternité !” Et son souhait s’accomplit. Ils aiment être dans l’eau, plonger au fond du marécage, puis ressortir la tête, nager à la surface et souvent demeurer sur le bord de l’étang et replonger souvent dans la mare glacée. Mais ils n’arrêtent pas d’user leur méchante langue à quereller8 et, sans vergogne9 , même sous l’eau, ils essaient de lancer des injures. Leur voix s’est faite rauque, leur gorge se gonfle d’aire, les insultes distendent10 leur bouche fendue11 large. Leur dos touche à leur tête et leur cou s’est comme effacé. Leur échine12 verditet leur ventre, c’est-à-dire presque tout leur corps, a blanchi. Dans les profondeurs de la vase, bêtes nouvelles, sautent les grenouilles. » Ainsi le conteur dont j’ignore le nom raconta-t-il la fin des paysans lyciens.
Ovide, Métamorphoses, Livre VI
1 Région de l’Asie 2 Epouse de Jupiter, reine des dieux 3 Monstre à tête de lion, corps de chèvre et queue de dragon qui vomit du feu 4 Qui mange avidement, excessivement, en engloutissant les morceaux. 5 mains d’enfants 6 Titan, père de Latone 7 odieux 8 Attaquer avec des insultes 9 sans aucune honte 10 étirent 11 ouverte 12 colonne vertébraleCornelis Van Poelenburgh, 1586 - 1667
Pietro Paolo Bonzi, entre 1595 et 1630