Illustration générée par Midjourney.ai
“Nous sommes en danger permanent d’auto-destruction collective.” "L'aspect paradoxal du rôle de l'esprit dans le monde c'est que si toute cette aventure s'accomplit bien au bénéfice de l’humanité, nous assistons toutefois simultanément à la destruction des conditions de la poursuite d'une telle aventure."H. Jonas.
“Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde.”
Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 1920
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !"
Baudelaire, 1857
« Je sais que je ne sais rien »
Socrate, dans l’Apologie de Socrate et le Ménon de Platon (IVe s. av. J.-C.)
"Le monde de la réalité a ses limites ; le monde de l'imagination est sans frontières."
Jean-Jacques Rousseau
« Connais-toi toi-même »
Socrate (v. 470-399 av. J.-C.)
"Connaître les limites de son corps, c'est ça la vraie psychologie. "
Camus
Regardez Blade runner
Transhumanisme en textes
Le tuto d'un biohacker pour modifier son ADN
Le Cylindre O'Neill et les colonies spatiales
Pour la génération Z et les millennials, la vie sur les écrans est plus importante que le monde réel
Une chatbox pour les insomniaques ou dialoguer avec des non humains
Home et le changement climatique et Demain sur un futur pas forcément castastrophique : deux documentaires qui ont fait date à l'ère de l'anthropocène
Des données sur l'anthropocène
Her (10’3 => 17’45 : installation 1’0’47 => 1’15’16 1’31’56 => 1’56… ) => Le virtuel nous enrichit-il ?
Un homme presque parfait (avec le questionnaire)
Voir sito
TD sur les limites
« Jusqu’où peut-on aller ? » : telle a été la question de l’âge moderne, et particulièrement du XXe siècle, s’agissant de l’extension des capacités humaines liée à la technique. Invention et perfectionnement de machines et de systèmes de toutes sortes, nouveaux instruments pour la médecine, architectures partant à l’assaut du ciel, conquête de l’atome et de l’espace, tout a paru promettre à la technique un pouvoir sans limite dont le développement du numérique, de la génétique et de l’intelligence artificielle sont aujourd’hui l’expression la plus spectaculaire.
La Chute d’Icare – Pieter Brueghel l’Ancien, 1583 – Bruxelles
Le rôle des utopies ?
ou l’illusion de la « solitude cosmique » de l’être humain
« La violence de notre croyance en « la nature » se manifeste dans le fait que les chants d’oiseaux, de grillons, de criquets dans lesquels on est immergés en été dès qu’on s’éloigne des centres villes, sont vécus dans la mythologie des modernes comme un silence reposant. Alors qu’il constituent pour qui veut bien essayer de la traduire (..) des myriades de messages géopolitiques, de négociations territoriales, de sérénades, d’intimidations, de jeux, de plaisirs collectifs, de défis lancés, de tractation sans parole…. Ce qu’on appelle « la campagne » un soir d’été, c’est le souk inter-espèces le plus bariolé et bruyant, remuant d’énergie industrieuse, c’est un Time square autre qu’humain un lundi matin – et les modernes sont assez fous, leur métaphysique assez auto réalisatrice, pour y voir un silence qui ressource, une solitude cosmique, une espace apaisé. Un lieu vide de présences réelles, et muet ».
LA BIBLIOTHÈQUE DE BABEL
By this art you may contemplate the variation of the 23 letters…
The Anatomy of Melancholy, part 2, sect. II, mem. IV.
L’univers (que d’autres appellent la Bibliothèque) se compose d’un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d’aération bordés par des balustrades très basses. De chacun de ces hexagones on aperçoit les étages inférieurs et supérieurs, interminablement. La distribution des galeries est invariable. Vingt longues étagères, à raison de cinq par côté, couvrent tous les murs moins deux ; leur hauteur, qui est celle des étages eux-mêmes, ne dépasse guère la taille d’un bibliothécaire normalement constitué. Chacun des pans libres donne sur un couloir étroit, lequel débouche sur une autre galerie, identique à la première et à toutes. À droite et à gauche du couloir il y a deux cabinets minuscules. L’un permet de dormir debout ; l’autre de satisfaire les besoins fécaux. À proximité passe l’escalier en colimaçon, qui s’abîme et s’élève à perte de vue. Dans le couloir il y a une glace, qui double fidèlement les apparences. Les hommes en tirent conclusion que la Bibliothèque n’est pas infinie ; si elle l’était réellement, à quoi bon cette duplication illusoire ? Pour ma part, je préfère rêver que ces surfaces polies sont là pour figurer l’infini et pour le promettre… Des sortes de fruits sphériques appelés lampes assurent l’éclairage. Au nombre de deux par hexagone et placés transversalement, ces globes émettent une lumière insuffisante, incessante.
Comme tous les hommes de la Bibliothèque, j’ai voyagé dans ma jeunesse ; j’ai effectué des pèlerinages à la recherche d’un livre et peut-être du catalogue des catalogues ; maintenant que mes yeux sont à peine capables de déchiffrer ce que j’écris, je me prépare à mourir à quelques courtes lieues de l’hexagone où je naquis. Mort, il ne manquera pas de mains pieuses pour me jeter par-dessus la balustrade : mon tombeau sera l’air insondable ; mon corps s’enfoncera longuement, se corrompra, se dissoudra dans le vent engendré par la chute, qui est infinie. Car j’affirme que la Bibliothèque est interminable. Pour les idéalistes, les salles hexagonales sont une forme nécessaire de l’espace absolu, ou du moins de notre intuition de l’espace ; ils estiment qu’une salle triangulaire ou pentagonale serait inconcevable. Quant aux mystiques, ils prétendent que l’extase leur révèle une chambre circulaire avec un grand livre également circulaire à dos continu, qui fait le tour complet des murs ; mais leur témoignage est suspect, leurs paroles obscures : ce livre cyclique, c’est Dieu… Qu’il me suffise, pour le moment, de redire la sentence classique : la Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible.
Chacun des murs de chaque hexagone porte cinq étagères ; chaque étagère comprend trente-deux livres, tous de même format ; chaque livre a quatre cent dix pages ; chaque page, quarante lignes, et chaque ligne, environ quatre-vingts caractères noirs. Il y a aussi des lettres sur le dos de chaque livre ; ces lettres n’indiquent ni ne préfigurent ce que diront les pages : incohérence qui, je le sais, a parfois paru mystérieuse. Avant de résumer la solution (dont la découverte, malgré ses tragiques projections, est peut-être le fait capital de l’histoire) je veux rappeler quelques axiomes.
Premier axiome : la Bibliothèque existe ab aeterno. De cette vérité dont le corollaire immédiat est l’éternité future du monde, aucun esprit raisonnable ne peut douter. Il se peut que l’homme, que l’imparfait bibliothécaire, soit l’œuvre du hasard ou de démiurges malveillants ; l’univers, avec son élégante provision d’étagères, de tomes énigmatiques, d’infatigables escaliers pour le voyageur et de latrines pour le bibliothécaire assis, ne peut être que l’œuvre d’un dieu. Pour mesurer la distance qui sépare le divin de l’humain, il suffit de comparer ces symboles frustes et vacillants que ma faillible main va griffonnant sur la couverture d’un livre, avec les lettres organiques de l’intérieur : ponctuelles, délicates, d’un noir profond, inimitablement symétriques.
Deuxième axiome : le nombre des symboles orthographiques est vingt-cinq . Ce fut cette observation qui permit, il y a quelque trois cents ans, de formuler une théorie générale de la Bibliothèque, et de résoudre de façon satisfaisante le problème que nulle conjecture n’avait pu déchiffrer : la nature informe et chaotique de presque tous les livres. L’un de ceux-ci, que mon père découvrit dans un hexagone du circuit quinze quatre-vingt-quatorze, comprenait les seules lettres M C V perversement répétées de la première ligne à la dernière. Un autre (très consulté dans ma zone) est un pur labyrinthe de lettres, mais à l’avant-dernière page on trouve cette phrase : Ô temps tes pyramides. Il n’est plus permis de l’ignorer : pour une ligne raisonnable, pour un renseignement exact, il y a des lieues et des lieues de cacophonies insensées, de galimatias et d’incohérences. (Je connais un district barbare où les bibliothécaires répudient comme superstitieuse et vaine l’habitude de chercher aux livres un sens quelconque, et la comparent à celle d’interroger les rêves ou les lignes chaotiques de la main… Ils admettent que les inventeurs de l’écriture ont imité les vingt-cinq symboles naturels, mais ils soutiennent que cette application est occasionnelle et que les livres ne veulent rien dire par euxmêmes. Cette opinion, nous le verrons, n’est pas absolument fallacieuse.)
Pendant longtemps, on crut que ces livres impénétrables répondaient à des idiomes oubliés ou reculés. Il est vrai que les hommes les plus anciens, les premiers bibliothécaires, se servaient d’une langue toute différente de celle que nous parlons maintenant ; il est vrai que quelques dizaines de milles à droite la langue devient dialectale, et quatre-vingt-dix étages plus haut, incompréhensible. Tout cela, je le répète, est exact, mais quatre cent dix pages d’inaltérables M C V ne pouvaient correspondre à aucune langue, quelque dialectale ou rudimentaire qu’elle fût. D’aucuns insinuèrent que chaque lettre pouvait influer sur la suivante et que la valeur de M C V à la troisième ligne de la page 71 n’était pas celle de ce groupe à telle autre ligne d’une autre page ; mais cette vague proposition ne prospéra point. D’autres envisagèrent qu’il s’agît de cryptographies ; c’est cette hypothèse qui a fini par prévaloir et par être universellement acceptée, bien que dans un sens différent du primitif.
Il y a cinq cents ans, le chef d’un hexagone supérieur mit la main sur un livre aussi confus que les autres, mais qui avait deux pages, ou peu s’en faut, de lignes homogènes et vraisemblablement lisibles. Il montra sa trouvaille à un déchiffreur ambulant, qui lui dit qu’elles étaient rédigées en portugais ; d’autres prétendirent que c’était du yiddish. Moins d’un siècle plus tard, l’idiome exact était établi : il s’agissait d’un dialecte lituanien du guarani, avec des inflexions d’arabe classique. Le contenu fut également déchiffré : c’étaient des notions d’analyse combinatoire, illustrées par des exemples de variables à répétition constante. Ces exemples permirent à un bibliothécaire de génie de découvrir la loi fondamentale de la Bibliothèque. Ce penseur observa que tous les livres, quelque divers qu’ils soient, comportent des éléments égaux : l’espace, le point, la virgule, les vingt-deux lettres de l’alphabet. Il fit également état d’un fait que tous les voyageurs ont confirmé : il n’y a pas, dans la vaste Bibliothèque, deux livres identiques. De ces prémisses incontroversables il déduisit que la Bibliothèque est totale, et que ses étagères consignent toutes les combinaisons possibles des vingt et quelques symboles orthographiques (nombre, quoique très vaste, non infini), c’est-à-dire tout ce qu’il est possible d’exprimer, dans toutes les langues. Tout : l’histoire minutieuse de l’avenir, les autobiographies des archanges, le catalogue fidèle de la Bibliothèque, des milliers et des milliers de catalogues mensongers, la démonstration de la fausseté de ces catalogues, la démonstration de la fausseté du catalogue véritable, l’évangile gnostique de Basilide, le commentaire de cet évangile, le commentaire du commentaire de cet évangile, le récit véridique de ta mort, la traduction de chaque livre en toutes les langues, les interpolations de chaque livre dans tous les livres.
Quand on proclama que la Bibliothèque comprenait tous les livres, la première réaction fut un bonheur extravagant. Tous les hommes se sentirent maîtres d’un trésor intact et secret. Il n’y avait pas de problème personnel ou mondial dont l’éloquente solution n’existât quelque part : dans quelque hexagone. L’univers se trouvait justifié, l’univers avait brusquement conquis les dimensions illimitées de l’espérance. En ce temps-là, il fut beaucoup parlé des Justifications : livres d’apologie et de prophétie qui justifiaient à jamais les actes de chaque homme et réservaient à son avenir de prodigieux secrets. Des milliers d’impatients abandonnèrent le doux hexagone natal et se ruèrent à l’assaut des escaliers, poussés par l’illusoire dessein de trouver leur Justification. Ces pèlerins se disputaient dans les étroits couloirs, proféraient d’obscures malédictions, s’étranglaient entre eux dans les escaliers divins, jetaient au fond des tunnels les livres trompeurs, périssaient précipités par les hommes des régions reculées. D’autres perdirent la raison… Il n’est pas niable que les Justifications existent (j’en connais moi-même deux qui concernent des personnages futurs, des personnages non imaginaires peut-être), mais les chercheurs ne s’avisaient pas que la probabilité pour un homme de trouver la sienne, ou même quelque perfide variante de la sienne, approche de zéro.
On espérait aussi, vers la même époque, l’éclaircissement des mystères fondamentaux de l’humanité : l’origine de la Bibliothèque et du Temps. Il n’est pas invraisemblable que ces graves mystères puissent s’expliquer à l’aide des seuls mots humains : si la langue des philosophes ne suffit pas, la multiforme Bibliothèque aura produit la langue inouïe qu’il y faut, avec les vocabulaires et les grammaires de cette langue. Voilà déjà quatre siècles que les hommes, dans cet espoir, fatiguent les hexagones… Il y a des chercheurs officiels, des inquisiteurs. Je les ai vus dans l’exercice de leur fonction : ils arrivent toujours harassés ; ils parlent d’un escalier sans marches qui manqua leur rompre le cou, ils parlent de galeries et de couloirs avec le bibliothécaire ; parfois, ils prennent le livre le plus proche et le parcourent, en quête de mots infâmes. Visiblement, aucun d’eux n’espère rien découvrir.
À l’espoir éperdu succéda, comme il est naturel, une dépression excessive. La certitude que quelque étagère de quelque hexagone enfermait des livres précieux, et que ces livres précieux étaient inaccessibles, sembla presque intolérable. Une secte blasphématoire proposa d’interrompre les recherches et de mêler lettres et symboles jusqu’à ce qu’on parvînt à reconstruire, moyennant une faveur imprévue du hasard, ces livres canoniques. Les autorités se virent obligées à promulguer des ordres sévères. La secte disparut ; mais dans mon enfance j’ai vu de vieux hommes qui longuement se cachaient dans les latrines avec de petits disques de métal au fond d’un cornet prohibé, et qui faiblement singeaient le divin désordre.
D’autres, en revanche, estimèrent que l’essentiel était d’éliminer les œuvres inutiles. Ils envahissaient les hexagones, exhibant des permis quelquefois authentiques, feuilletaient avec ennui un volume et condamnaient des étagères entières : c’est à leur fureur hygiénique, ascétique, que l’on doit la perte insensée de millions de volumes. Leur nom est explicablement exécré, mais ceux qui pleurent sur les « trésors » anéantis par leur frénésie négligent deux faits notoires. En premier lieu, la Bibliothèque est si énorme que toute mutilation d’origine humaine ne saurait être qu’infinitésimale. En second lieu, si chaque exemplaire est unique et irremplaçable, il y a toujours, la Bibliothèque étant totale, plusieurs centaines de milliers de fac-similés presque parfaits qui ne diffèrent du livre correct que par une lettre ou par une virgule. Contre l’opinion générale, je me permets de supposer que les conséquences des déprédations commises par les Purificateurs ont été exagérées par l’horreur qu’avait soulevée leur fanatisme. Ils étaient habités par le délire de conquérir les livres chimériques de l’Hexagone Cramoisi : livres de format réduit, tout-puissants, illustrés et magiques.
Une autre superstition de ces âges est arrivée jusqu’à nous : celle de l’Homme du Livre. Sur quelque étagère de quelque hexagone, raisonnait-on, il doit exister un livre qui est la clef et le résumé parfait de tous les autres : il y a un bibliothécaire qui a pris connaissance de ce livre et qui est semblable à un dieu. Dans la langue de cette zone persistent encore des traces du culte voué à ce lointain fonctionnaire. Beaucoup de pèlerinages s’organisèrent à sa recherche, qui un siècle durant battirent vainement les plus divers horizons. Comment localiser le vénérable et secret hexagone qui l’abritait ? Une méthode rétrograde fut proposée : pour localiser le livre A, on consulterait au préalable le livre B qui indiquerait la place de A ; pour localiser le livre B, on consulterait au préalable le livre C, et ainsi jusqu’à l’infini… C’est en de semblables aventures que j’ai moi-même prodigué mes forces, usé mes ans. Il est certain que dans quelque étagère de l’univers ce livre total doit exister 9 ; je supplie les dieux ignorés qu’un homme – ne fut-ce qu’un seul, il y a des milliers d’années ! – l’ait eu entre les mains, l’ait lu. Si l’honneur, la sagesse et la joie ne sont pas pour moi, qu’ils soient pour d’autres. Que le ciel existe, même si ma place est l’enfer. Que je sois outragé et anéanti, pourvu qu’en un être, en un instant, Ton énorme Bibliothèque se justifie.
Les impies affirment que le non-sens est la règle dans la Bibliothèque et que les passages raisonnables, ou seulement de la plus humble cohérence, constituent une exception quasi miraculeuse. Ils parlent, je le sais, de « cette fiévreuse Bibliothèque dont les hasardeux volumes courent le risque incessant de se muer en d’autres et qui affirment, nient et confondent tout comme une divinité délirante ». Ces paroles, qui non seulement dénoncent le désordre mais encore l’illustrent, prouvent notoirement un goût détestable et une ignorance sans remède. En effet, la Bibliothèque comporte toutes les structures verbales, toutes les variations que permettent les vingt-cinq symboles orthographiques, mais point un seul non-sens absolu. Rien ne sert d’observer que les meilleurs volumes parmi les nombreux hexagones que j’administre ont pour titre Tonnerre coiffé, La Crampe de plâtre, et Axaxaxas mlö. Ces propositions, incohérentes à première vue, sont indubitablement susceptibles d’une justification cryptographique ou allégorique ; pareille justification est verbale, et, ex hypothesi, figure d’avance dans la Bibliothèque. Je ne puis combiner une série quelconque de caractères, par exemple
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que la divine Bibliothèque n’ait déjà prévue, et qui dans quelqu’une de ses langues secrètes ne renferme une signification terrible. Personne ne peut articuler une syllabe qui ne soit pleine de tendresses et de terreurs, qui ne soit quelque part le nom puissant d’un dieu. Parler, c’est tomber dans la tautologie. Cette inutile et prolixe épître que j’écris existe déjà dans l’un des trente volumes des cinq étagères de l’un des innombrables hexagones – et sa réfutation aussi. (Un nombre n de langages possibles se sert du même vocabulaire ; dans tel ou tel lexique, le symbole Bibliothèque recevra la définition correcte système universel et permanent de galeries hexagonales, mais Bibliothèque signifiera pain ou pyramide, ou toute autre chose, les sept mots de la définition ayant un autre sens.) Toi, qui me lis, es-tu sûr de comprendre ma langue ?
L’écriture méthodique me distrait heureusement de la présente condition des hommes. La certitude que tout est écrit nous annule ou fait de nous des fantômes… Je connais des districts où les jeunes gens se prosternent devant les livres et posent sur leurs pages de barbares baisers, sans être capables d’en déchiffrer une seule lettre. Les épidémies, les discordes hérétiques, les pèlerinages qui dégénèrent inévitablement en brigandage, ont décimé la population. Je crois avoir mentionné les suicides, chaque année plus fréquents. Peut-être suis-je égaré par la vieillesse et la crainte, mais je soupçonne que l’espèce humaine – la seule qui soit – est près de s’éteindre, tandis que la Bibliothèque se perpétuera : éclairée, solitaire, infinie, parfaitement immobile, armée de volumes précieux, inutile, incorruptible, secrète.
Je viens d’écrire infinie. Je n’ai pas intercalé cet adjectif par entraînement rhétorique ; je dis qu’il n’est pas illogique de penser que le monde est infini. Le juger limité, c’est postuler qu’en quelque endroit reculé les couloirs, les escaliers, les hexagones peuvent disparaître – ce qui est inconcevable, absurde. L’imaginer sans limite, c’est oublier que n’est point sans limite le nombre de livres possibles. Antique problème où j’insinue cette solution : la Bibliothèque est illimitée et périodique. S’il y avait un voyageur éternel pour la traverser dans un sens quelconque, les siècles finiraient par lui apprendre que les mêmes volumes se répètent toujours dans le même désordre – qui, répété, deviendrait un ordre : l’Ordre. Ma solitude se console à cet élégant espoir .
Borgès, 1941, Mar del Plata. Traduction Ibarra.
Cycle de survie de Matheson
Et ils se tinrent au pied des tours de cristal, dont les surfaces polies, telles de scintillants miroirs, réfléchissaient l'embrasement du couchant jusqu'à transformer la ville entière en lave incandescente.
Ras glissa un bras autour de la taille de sa bien-aimée.
- « Heureuse ? demanda-t-il, avec tendresse.
- Oh ! oui, exhala-t-elle. Ici, dans notre cité merveilleuse où tout n'est à jamais que paix et bonheur, comment serait-il permis de n'être pas heureuse ? »
De l'horizon, le soleil répandit sa bénédiction rose sur leur douce étreinte.
Le claquement de la machine s'arrête. Il replie ses doigts comme des fleurs qui se referment et clôt les paupières. Un vin vieux, cette prose. Quel étourdissant effet sur les papilles gustatives de son esprit «J'y suis arrivé encore une fois, pense-t-il. Nom d'un petit bonhomme, j'y suis arrivé encore une fois. »
Il se laisse nager dans la satisfaction, puis refait surface. Il calibre le nombre de mots, adresse l'enveloppe, y insère le manuscrit, pèse le tout, appose les timbres et cachette. Encore une brève plongée dans les vagues du délice, et en route pour la boite aux lettres.
Il est presque midi lorsque Richard Allen Shaggley se met à descendre la rue silencieuse, avec son pardessus râpé. Il se hâte de sa démarche boitillante, de crainte de manquer la levée. Ras et la Cité de Cristal est du travail trop supérieur pour attendre seulement un jour. Il faut que le rédacteur en chef l'ait sur-le-champ. C'est une vente certaine.
Contournant le trou géant en forme d'entonnoir où des tuyaux s'entremêlent (quand, nom d'un petit bonhomme, finiraient-ils de réparer ces sacrées canalisations ?), il clopine du plus vite qu'il peut, le cœur vibrant, les doigts crispés sur l'enveloppe.
Midi, il arrive à la boîte aux lettres et cherche anxieusement du regard le facteur. Celui-ci n'est pas en vue. Un soupir de soulagement sort de ses lèvres. Le visage en feu, Richard Allen Shaggley écoute le bruit sourd que fait l'enveloppe en heurtant le fond de la boîte.
Le pas traînant, l'heureux auteur s'éloigne en proie à une quinte de toux.
En grinçant légèrement des dents et en pestant contre ses jambes, Al remonte d'une démarche lourde la rue silencieuse, sa sacoche de cuir pesant à son épaule fatignée. «On devient vieux, pense-t-il, et je n'ai plus de voiture. Avec ces rhumatismes dans les jambes, c'est dur de faire la tournée».
A midi quinze, il atteint la boîte aux lettres verte et sort les clés de sa poche. Se penchant avec effort, il l'ouvre et se saisit de son contenu. Un sourire détend son visage au rictus douloureux et il hoche la tête une fois en soulevant sa casquette. Encore un récit de Shaggley. A expédier sans retard. Voilà un homme qui savait écrire.
Se redressant avec un gémissement, Al met l'enveloppe dans sa sacoche, referme la boîte, puis s'en va en cheminant péniblement, sans cesser de sourire. «Ca vous rend fier, pense-t-il, de transporter ses manuscrits ; même quand les jambes vous font mal».
Al était un fanatique de Shaggley.
En rentrant de déjeuner cet après-midi là, peu après trois heures, Rick trouve sur son bureau une note de sa secrétaire.
Il lit: «Nouveau manuscrit de Shaggley juste arrivé. Une splendeur. N'oubliez pas que R. A. le veut dès que vous l'aurez terminé S».
Le visage du rédacteur en chef s'illumine de délice. Au beau milieu d'une journée au calme plat, nom d'un petit bonhomme, une manne tombée du ciel ! Il se laisse aller dans son fauteuil de cuir, tout sourire, et réprime son geste pour se saisir du crayon rouge (rien à corriger sur un texte de Shaggley !). Puis il sort le manuscrit de l'enveloppe et laisse retomber celle-ci sur la plaque de verre fendue qui couvre son bureau. Un nouveau Shaggley... quelle chance ! Nom d'un petit bonhomme, R.A. allait être aux anges.
Il lit les premières lignes, instantanément absorbé, et un transport s'empare de lui. En retenant son souffle, il plonge dans le récit comme dans un océan. Quel rythme harmonieux, quel art de l'évocation ! Ce que c'était que de savoir écrire. Distraitement il frotte de la main la manche de veste de son complet pied-de-poule, pour en chasser de la poussière de plâtre.
Tandis qu'il lit, le vent se lève encore, faisant voleter ses cheveux filasse, souffletant son front de vagues tièdes. Inconsciemment, il porte sa main à sa joue et suit délicatement du doigt la cicatrice qui trace une ligne livide de son menton à sa tempe.
Le vent redouble de force. II gémit comme un cor d'harmonie tout en éparpillant sur la moquette détrempée des feuilles de papier aux bords jaunis. Avec un mouvement d'humeur, Rick jette un regard furieux à la fissure béante qui parcourt le mur (quand donc, nom d'un petit bonhomme, ces travaux seraient-ils terminés), puis il revient au manuscrit de Shaggley et en reprend la lecture avec une joie renouvelée.
Quand il a enfin terminé, il essuie du doigt une larme d'émotion douce-amère et presse la touche d'un appareil d'intercommunications.
- Un autre chèque pour Shaggley, ordonne-t-il, et il jette par-dessus son épaule la touche brisée.
A trois heures et demie, il apporte le manuscrit au bureau de R.A. et le laisse là.
A quatre heures, l'éditeur passe du rire aux pleurs tout en le lisant avec fièvre, tandis que ses doigts noueux grattent la surface irrégulière de son crâne dénudé.
Le vieux Dick Allen au dos bossu tape l'histoire de Shaggley à la linotype ce même après-midi, la vue brouillée de larmes de joie sous sa visière et la gorge secouée d'une toux liquide, que domine le bourdonnement de sa machine. L'histoire arrive au kiosque peu après six heures. Le marchand à la joue balafrée la lit six fois de suite en piétinant sur ses jambes lasses, avant de se décider à contrecœur à la mettre en vente. A six heures et demie, le long de la rue, descend en clopinant le petit homme chauve. «Enfin, le repos bien gagné après une dure journée», pense t-il en s'arrêtant au kiosque du coin pour acheter de quoi lire.
Il regarde, bouche bée. Nom d'un petit bonhomme, une nouvelle histoire de Shaggley ! Quelle chance !
Et l'unique exemplaire. Il laisse sur le comptoir vingt-cinq cents pour le marchand qui n'est pas là en ce moment.
Il rentre chez lui en traînant la jambe, au travers des ruines décharnées (curieux, quand même, qu'ils n aient pas encore remplacé ces immeubles consumés), et il lit tout en marchant. L'histoire est terminée avant qu'il arrive à domicile. Tout en dînant il la relit une fois encore, secouant sa tête surmontée de protubérances pour mieux exprimer son admiration devant cette merveille de poésie, cette magie de l'écriture, «Cela m'inspire» songe-t-il.
Mais pas ce soir. Pour le moment, c'est l'heure de mettre de côté toutes les affaires [le couvercle sur la machine à écrire, le pardessus râpé, le complet pied-de-poule élimé, la perruque filasse, la visière, la casquette de facteur et la sacoche de cuir] chaque chose à sa place propre.
A dix heures, il est endormi et rêve de champignons. Et, au matin, il se demande une fois de plus pourquoi les observateurs, dans les premiers temps, n'avaient rien voulu voir d'autre dans le Nuage qu'un simple champignon géant.
A six heures du matin, Richard Allen Shaggley, la dernière bouchée de son breakfast avalée, est à sa machine à écrire.
Il commence à taper :
Voici l'histoire de la rencontre de Ras avec la belle prêtresse de Shaggley, et de ce que fut leur amour.
Richard Matheson.
Questions :
a) Dressez la liste des personnages, de leurs métiers et de leurs particularités physiques
b) Relevez les détails décrivant le décor de la nouvelle.
c) A quoi fait allusion le passagesurligné ⮚ Qu’en déduisez-vous ?
d) Expliquez le titre.
La nature terrestre, pour autant que l’on sache, pourrait bien être la seule de l’univers à procurer aux humains un habitat où ils puissent se mouvoir et respirer sans effort et sans artifice. L’artifice humain du monde sépare l’existence humaine de tout milieu purement animal, mais la vie elle-même est en dehors de ce monde artificiel, et par la vie l’homme demeure lié à tous les autres organismes vivants. Depuis quelque temps, un grand nombre de recherches scientifiques s’efforcent de rendre la vie artificielle elle aussi, et de couper le dernier lien qui maintient encore l’homme parmi les enfants de la nature. C’est le même désir d’échapper à l’emprisonnement terrestre qui se manifeste dans les essais de création en éprouvette, dans le vœu de combiner « au microscope le plasma germinal provenant de personnes aux qualités garanties, afin de produire des êtres supérieurs » et « de modifier (leurs) tailles, formes et fonctions » ; et je soupçonne que l’envie d’échapper à la condition humaine expliquerait l’espoir de prolonger la durée de l’existence fort au-delà de cent ans, limite jusqu’ici admise. Cet homme futur, que les savants produiront, nous disent-ils, en un siècle pas davantage, paraît en proie à la révolte contre l’existence humaine telle qu’elle est donnée, cadeau venu de nulle part (laïquement parlant) et qu’il veut pour ainsi dire échanger contre un ouvrage de ses propres mains. Il n’y a pas de raison de douter que nous soyons capables de faire cet échange, de même qu’il n’y a pas de raison de douter que nous soyons capables à présent de détruire toute vie organique sur terre. La seule question est de savoir si nous souhaitons employer dans ce sens nos nouvelles connaissances scientifiques et techniques, et l’on ne saurait en décider par des méthodes scientifiques. C’est une question politique primordiale que l’on ne peut guère, par conséquent, abandonner aux professionnels de la science ni à ceux de la politique.
H. Arendt, Condition de l’homme moderne , 1958
Question d’interprétation philosophique :
Par une lecture attentive du texte et de son argumentation, expliquez pourquoi la question de l’ « homme futur » n’est pas une question purement technique, mais bien une question de nature politique
La recherche en intelligence artificielle et les obstacles au progrès
Malgré tous ces progrès, nous sommes encore bien loin de produire des machines aussi intelligentes que l’humain, ni même aussi intelligentes qu’un rat.
Bien sûr, nous avons des systèmes qui peuvent conduire une voiture, jouer aux échecs et au Go, et accomplir d’autres tâches difficiles de manière plus fiable et rapide que la plupart des humains (sans parler des rats). Mais ces systèmes sont très spécialisés. Un gadget à 30 euros nous bat à plate couture aux échecs, mais il ne peut faire rien d’autre.
Ce qui manque aussi aux machines, c’est la capacité à apprendre des tâches qui impliquent non seulement d’apprendre à représenter le monde, mais aussi à se remémorer, à raisonner, à prédire, et à planifier. Beaucoup de travaux actuels à Facebook AI Research et à DeepMind sont focalisés sur cette question. Une nouvelle classe de réseaux neuronaux, les Memory-Augmented Recurrent Neural Nets (réseaux récurrents à mémoire) est utilisée de manière expérimentale pour la traduction, la production de légendes pour les images, et les systèmes de dialogues.
Mais ce qui manque principalement aux machines, c’est le sens commun, et la capacité à l’intelligence générale qui permet d’acquérir de nouvelles compétences, quel qu’en soit le domaine. Mon opinion, qui n’est partagée que par certains de mes collègues, est que l’acquisition du sens commun passe par l’apprentissage non supervisé.
Qu’il soit naturel ou artificiel, il y a trois formes principales d’apprentissage. Nous avons déjà parlé de l’apprentissage supervisé. Les deux autres formes sont l’apprentissage par renforcement, et l’apprentissage non supervisé.
L’apprentissage par renforcement désigne la situation où la machine ne reçoit qu’un simple signal, une sorte de récompense, indiquant si la réponse produite était correcte ou pas. Le scénario est similaire à l’entraînement d’un animal de cirque à qui l’on donne une friandise lorsqu’il exécute l’action désirée. Cette forme d’apprentissage nécessite de très nombreux essais, et est utilisée principalement pour entraîner les machines à jouer à des jeux (par exemple les jeux vidéo ou le jeu de Go), ou à opérer dans des environnements simulés. On a assisté à un succès éclatant de l’apprentissage par renforcement combiné à l’apprentissage profond lors de la victoire récente du programme de Go AlphaGo de DeepMind face au champion européen.
L’apprentissage non supervisé, quant à lui, est le mode principal d’apprentissage des animaux et des humains. C’est l’apprentissage que nous faisons par nous-mêmes en observant le monde et en agissant. C’est en observant le monde que nous apprenons qu’il a trois dimensions, que des objets peuvent en cacher d’autres, que certains objets peuvent être déplacés, qu’un objet sans support tombe, qu’un objet ne peut pas être à deux endroits en même temps, etc.
C’est grâce à l’apprentissage non supervisé que nous pouvons interpréter une phrase simple comme « Jean prend son portable et sort de la pièce ». On peut inférer que Jean et son portable ne sont plus dans la pièce, que le portable en question est un téléphone, que Jean s’est levé, qu’il a étendu sa main pour attraper son portable, qu’il a marché vers la porte. Il n’a pas volé, il n’est pas passé à travers le mur. Nous pouvons faire cette inférence, car nous savons comment le monde fonctionne.
Albert Camus, « Ni victimes ni bourreaux”, texte écrit le 30 novembre 1946 et publié par le journal Combat, 1948
« Quelque chose en nous a été détruit par le spectacle des années que nous venons de passer. Et ce quelque chose est cette éternelle confiance de l’homme, qui lui a toujours fait croire qu’on pouvait tirer d’un autre homme des réactions humaines en lui parlant le langage de l’humanité.
Nous avons vu mentir, avilir, tuer, déporter, torturer, et à chaque fois il n’était pas possible de persuader ceux qui le faisaient de ne pas le faire, parce qu’ils étaient sûrs d’eux et parce qu’on ne persuade pas une abstraction, c’est-à-dire le représentant d’une idéologie.
Le long dialogue des hommes vient de s’arrêter. Et, bien entendu, un homme qu’on ne peut pas persuader est un homme qui fait peur.
Entre la peur très générale d’une guerre que tout le monde prépare et la peur toute particulière des idéologies meurtrières, il est donc bien vrai que nous vivons dans la terreur.
Nous vivons dans la terreur parce que la persuasion n’est plus possible (…) Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées.
Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et dans l’amitié des hommes, ce silence est la fin du monde.
Pour sortir de cette terreur, il faudrait pouvoir réfléchir et agir suivant sa réflexion. Mais la terreur, justement, n’est pas un climat favorable à la réflexion.
Je suis d’avis, cependant, au lieu de blâmer cette peur, de la considérer comme un des premiers éléments de la situation et d’essayer d’y remédier. (…)
Pour se mettre en règle avec [la peur], il faut voir ce qu’elle signifie et ce qu’elle refuse. Elle signifie et elle refuse le même fait : un monde où le meurtre est légitimé et où la vie humaine est considérée comme futile. »
Les particules élementaires. Houellebecq
« Je ne sers à rien, dit Bruno avec résignation. Je suis incapable d’élever des porcs. Je n’ai aucune notion sur la fabrication des saucisses, des fourchettes ou des téléphones portables. Tous ces objets qui m’entourent, que j’utilise ou que je dévore, je suis incapable de les produire ; je ne suis même pas capable de comprendre leur processus de production. Si l’industrie devait s’arrêter, si les ingénieurs et techniciens spécialisés venaient à disparaître, je serais incapable d’assurer le moindre redémarrage. Placé en dehors du complexe économique-industriel, je ne serais même pas en mesure d’assurer ma propre survie : je ne saurais comment me nourrir, me vêtir, me protéger des intempéries ; mes compétences techniques personnelles sont largement inférieures à celles de l’homme de Néanderthal. Totalement dépendant de la société qui m’entoure, je lui suis pour ma part à peu près inutile ; tout ce que je sais faire, c’est produire des commentaires douteux sur des objets culturels désuets. Je perçois cependant un salaire, et même un bon salaire, largement supérieur à la moyenne. La plupart des gens qui m’entourent sont dans le même cas. Au fond, la seule personne utile qu je connaisse, c’est mon frère. »